EN QUELQUES DATES...
EN QUELQUES DATES...
17, un de mes nombres préférés ! Le 17 novembre 2018, magie de la viralité des réseaux sociaux, ce sera l'occasion pour un grand nombre de Français d'exprimer leur colère. Colère dans un premier temps contre ces prix à la pompe qui grimpent inlassablement, augmentation consécutive au prix du baril, mais aussi pour beaucoup liée aux taxes qu’un Etat impécunieux se refuse à réduire. Bien au contraire. Mais au-delà de cette flambée du prix du gazoil et autres, comme me le rappelait un collègue cette semaine à qui je me demandais pourquoi il se joindrait à cette journée, il s’agit pour beaucoup d’exprimer un ras-le-bol face à ces taxes et impôts qui augmentent, ce pouvoir d’achat qui stagne ou diminue, avec ce sentiment d’être tondu de tous côtés: on baisse la taxe d’habitation d’une part- côté Etat- quand c’est vraiment le cas, on l’augmente de l’autre, côté municipalité. Bref, y en a marre !
Avec un gouvernement sourd et arrogant, coiffé d’une majorité Playmobile pour reprendre le bon mot du député François Ruffin. Un gouvernement qui a l’écologie comme prétexte, une écologie qui a bon dos, et qui surtout à cette heure n’offre pas d’alternative crédible au tout-voiture en termes d’aménagement du territoire, de transports urbains. Et, ce sont là les mots d’une personne qui n’a pas de voiture, plutôt opposé à ces monstres d’acier et énergivores, mais qui comprend le désarroi des automobilistes.
Mais si l’on file la métaphore, que l’on tente d’aller plus loin, que le continue de jongler avec les chiffres, ce 17 novembre 2018, on sera une semaine après la célébration du centenaire de la Grande Guerre. Une guerre qui devait être la dernière. Une célébration qui pourrait être une belle occasion d’unité nationale: rappelant les sacrifices de toute une nation, de la Métropole et de l’Empire, comme on disait alors, des tirailleurs Sénégalais ou Maghrébins. Une guerre qui n’était celle d’aucun de ces poilus, ces hommes sacrifiés dans les tranchées et champs de bataille. Mais ce sera sans nul doute pompeux, et à côté de la plaque.
Et en ce 11ème jour, du onzième mois, à onze heure, un dimanche cette année, il est fort à parier, que les Français seront certainement plus intéressés à prendre leurs voitures, belle ironie, et à chercher le centre commercial ouvert, plutôt qu’à se recueillir, ou à relire les pages de Céline dans son “Voyage au bout de la nuit”, où il nous rappelle si crûment que les petites gens sont toujours broyées par ces guerres voulues par les “grands”. Ainsi va l’époque, on déplore la perte de sens, et l’on se rue à la première occasion vers nos nouveaux temples du commerce !
Avançons. Si on ajoute vingt, voire vingt-et-un à cette année 1918, on débouche sur 1938 et Munich, puis 1939 et la catastrophe que l’on connaît. Il n’aura donc fallu que vingt ans à l’Europe pour aller d’une catastrophe l’autre, et enterrer définitivement ce “Monde d’hier” si cher à Stefan Zweig.
Vingt ans, cela passe vite, et si l’on en revient à aujourd’hui, vingt-ans c'est qui nous sépare de 98. 1998, cette belle année, où tout a “recommencé”: la première étoile des Bleus, la croissance qui repart, la France unie et heureuse... On sait ce qui adviendra par la suite: le 11 septembre 2001, le 21 avril 2002, ou ce sombre 13 novembre 2015, pour ne citer que quelques dates… Auxquelles on pourrait adjoindre, allez ! le 29 mai 2005 quand la France dit NON au projet de constitution européenne, volonté populaire foulée par la suite. Bref, autant de dates qui marquent, ici et ailleurs, l’effritement d’un monde, le nôtre, qui n’a toujours pas pensé ni trouvé son alternative.
“Der des der”, disaient les anciens, exprimant par là le souhait que ce serait bien la dernière, animés d’un pacifisme sincère mais qui parfois confinera à l’aveuglement tout au long des vingt-ans qui les sépareront du désastre de 40. Deux décennies où se succèdent à la fois des années folles, un formidable renouveau artistique (le surréalisme, le jazz, les Arts Déco…) puis de la crise de 29, cette Grande Dépression, et les années 30, ces années troubles qui débouchent sur l’an 40. En vingt ans, espoirs et renouveau, auxquels succéderont les heures sombres.
2018, bis répétita ? Certainement pas. L’histoire ne se répète jamais, mais elle bégaie parfois. Des analogies, des parallèles, et surtout si les périls d’hier ne sont pas ceux d’aujourd’hui, comment ne pas voir le mouvement qui se met en place, que l’on le juge positif ou non: en Italie, en Hongrie, aux USA, ou au Brésil récemment… ? Et que nos colères, si justifiées soient-elles, ne doivent pas mettre des oeillères sur ce qui se joue.
Il est donc deux manières de regarder le tableau de la période que nous vivons: par la feuille de paie et d’impôt, lesquelles seront bientôt confondues, regard tout personnel, et essentiel, mais qui ne résume que notre petite histoire. L’autre regard, celui de l’Histoire s’écrivant avec un Grand H, est comme un torrent qui, une fois que les digues ont cédé, reste difficile d’endiguer. Les deux finissent toujours par se rencontrer, à une date ou une autre.
Commentaires
Enregistrer un commentaire